LA MEDITATION SEISHIN

Dans l'historique du Reiki, nous voyons que Mikao Usui passa de nombreuses heures à la pratique de la méditation. C'est pourquoi nous vous présentons ci-après une technique de méditation fort simple mais néanmoins efficace, enseignée à des groupes appartenant plus ou moins aux ascètes du Shugendo, tradition purement japonaise qui est une voie d'ascétisme et de recherche de pouvoirs psychiques au moyen d'exercices secrets et transmis d'une manière orale. Cette méditation appelée seishin nous a été rapportée du Japon par Michel Coquet qui l'a décrite dans son livre Budo ésotérique ou la voie des arts martiaux dont le texte ci-après est tiré. Nous en avons souligné certains passages qui nous semble importants en caractères gras.

Seishin

C'est à l'université de Koya-san (près de Kyoto), haut lieu de la secte Shingon, qu'il me fut donné de rencontrer un groupe d'étudiants se préparant à devenir des moines de cette école. Certains membres de ce groupe s'entraînaient au karatédo et recevaient un enseignement privé sur cet art par l'intermédiaire d'un maître de temple du nom de Heiya. C'est du moins de cette manière qu'il voulait être appelé par ce groupe. Je n'eus que peu de contacts avec le groupe lui-même car je ne restais jamais très longtemps à Koya-san. Mes relations avec Heiya sensei furent cependant très riches. Lorsque je revins en France, Heiya sensei, qui connaissait mon désir d'enseigner le budo traditionnel en Europe, me dévoila une méthode de méditation. Cette méditation est appelée seishin. Selon Heiya sensei, cette technique n'avait jamais été enseignée autre part que dans des groupes très clos appartenant plus ou moins aux ascètes du Shugendo. Il me dit aussi que cette méditation était comparable au Zen excepté que le Zen ne doit être pratiqué que sous la direction d'un maître éclairé alors que celle-ci peut être pratiquée par tous sans danger pourvu que soient respectées les règles simples qui la régissent.

Seishin est un mot composé de deux idéogrammes : sei, l'esprit, et shin, le coeur. Les deux mots assemblés peuvent également signifier "l'âme". Si l'on inverse les deux lettres, on obtient shinsei, mot qui indique sa nature divine et sacrée. Il est difficile de connaître l'exacte signification du mot en lui-même mais il semble que Heiya sensei entendait par sei l'énergie du principe vital, et par shin ce qui se rapporte au sentiment élevé de la conscience.

Ainsi seishin, en tant qu'âme, indique que celle-ci est à la fois un principe de vie et de conscience. Quoi qu'il en soit, seishin renferme un pouvoir réel lorsqu'il est pratiqué régulièrement. Les effets sont divers et toujours propres aux individus qui le pratiquent.

Lorsqu'il est raisonnablement appliqué et que le méditant parvient à une certaine maîtrise, on peut être à même de réduire son temps de sommeil. J'ai personnellement vécu deux années avec trois heures de sommeil par jour. Cependant quatre heures de mon temps étaient utilisées à la pratique de la méditation.

D'autres effets arrivent rapidement : l'oubli total du corps, l'arrêt presque total de la respiration. Et lorsque la notion de temps, d'espace, de lieu ont disparu, il ne reste que le Soi. Il ne sait qui il est mais cependant il est. La réalisation du Soi émerge alors, progressivement pour certains, dans une expérience soudaine pour d'autres.

Cette méditation est fort simple. Elle est unique et sa forme extérieure peut lasser celui qui n'est pas motivé. Seul l'ego se lasse, le Soi est un puits sans fond qu'il faut pénétrer sans cesse. «Celui qui se lasse est comme un homme qui joue près d'un portail, il finit par se lasser de l'endroit mais il ne fait pas l'effort de passer le portail pour découvrir les trésors illimités du château.»

Enfin, un dernier mot : la méditation seishin résume en elle-même les cinq étapes qui mènent l'aspirant aux portes de la libération puisque en effet au fur et à mesure de sa pratique lui sont donnés intérieurement et extérieurement les éléments essentiels nécessaires à l'aboutissement de ses projets spirituels. Ces cinq étapes peuvent être ainsi énumérées :

1. La concentration, l'acte par lequel nous concentrons notre intellect et ainsi apprenons à en faire usage.

2. La méditation, la concentration prolongée de l'attention, dans toute direction donnée, la fixation persistante du mental sur une idée déterminée.

3. La contemplation, une activité de l'âme, détachée du mental qui est maintenu au repos.

4. L'illumination, le résultat des trois étapes précédentes, impliquant l'apport à la conscience cérébrale du savoir acquis.

5. L'inspiration, le résultat de l'illumination, tel qu'il se manifeste dans une vie de service.

 

La pratique du sei-shin

1. La méditation est une concentration soutenue. La première étape consiste à s'asseoir sans aucune tension, en demi-lotus ou sur une chaise, l'important étant d'avoir une colonne vertébrale bien droite. Les mains reposent à plat sur le haut des cuisses. La tête est droite, le menton légèrement rentré.

Commencez par respirer calmement avec le ventre, ne forcez pas votre respiration, observez-la tout simplement. Le calme apaisera tout naturellement votre respiration. La meilleure posture pour méditer est celle qui facilite l'oubli du corps.

2. La méditation se fait le matin à jeun et le soir avant de se coucher. Choisissez toujours le même endroit, si possible un endroit tranquille, aéré, ni trop chaud, ni trop froid. Dix minutes sont suffisantes au début. Plus tard, vous pourrez sans peine y consacrer une petite heure. Faites toujours la méditation bien relaxé, cela vous évitera de pénibles migraines. Les yeux sont fermés et le mental est entièrement dirigé vers le point au centre des sourcils (le troisième oeil des Bouddhas appelée aussi bodhi).

3. Lorsque le corps est oublié, que le plexus solaire est calmé, est sans émotion ou angoisse, et que la conscience s'est élevée vers le point au centre des sourcils, alors vous pouvez commencer votre méditation.

4. L'action requise consiste à suivre l'inspir et l'expir en chantant mentalement (sans remuer la langue ou les lèvres) sei au moment de l'inspiration et shin au moment de l'expiration. Il est fondamental de maintenir ferme sa concentration et de ne pas permettre aux pensées vagabondes* de s'interposer entre vous, le penseur, et sei-shin, le japa-mantra. Avec l'habitude, le corps tout entier se relaxe et la respiration devient lente et silencieuse. Heiya sensei me conseillait de me visualiser au bord de la mer et de respirer au rythme du ressac : inspirer sei avec la venue de la vague, en s'identifiant à elle, puis expirer shin lorsque l'eau repart. Plus tard, disait-il en souriant, il faudra oublier la marée et plonger dans les profondeurs de l'océan, là où disparaît le bruit et la lumière, là où se trouve le Soi.

L'essentiel de cette méditation est de rester, face à la respiration, un observateur froid et attentif au fur et à mesure que celle-ci devient longue et imperceptible, jusqu'à disparaître totalement. Alors, sans perdre conscience comme dans le sommeil, votre Soi réel commencera à devenir pour vous une réalité. Il aura conscience d'être, sans plus. La moindre envie de vouloir analyser l'expérience brisera le charme et il faudra recommencer. Ainsi, progressivement, le Soi se dissociera du non-soi (la personnalité terrestre et le sens du "je").

Le sei et le shin doivent être chantés à l'intérieur du front, comme si l'océan s'y trouvait. C'est là une tâche ardue. Aussi, ne vous énervez pas, ne vous irritez pas, n'abandonnez pas, le mental serait trop heureux de vous avoir vaincu, et avec le sourire, tranquillement mais fermement, ramenez votre pensée sur le sei-shin, quoi qu'il arrive, car après tout il vous faudra un jour devenir ce maître recherché et on ne peut espérer y parvenir avant d'avoir atteint la maîtrise du mental.

5. Si vous continuez avec persévérance et opiniâtreté, des résultats apparaîtront après trois ou six mois de pratique, ou peut-être avant. De jour en jour, la méditation deviendra profonde et sans perdre conscience de votre réalité vous perdrez la notion de temps et d'espace. Vos sens seront déconnectés de votre mental et ne filtreront plus les informations de l'extérieur. C'est là un stade important car les intervalles entre l'inspir et l'expir augmenteront au point que la respiration deviendra si faible que l'invocation du sei-shin sera entrecoupée d'un long silence, ce silence c'est Munen-mushin.

6. Que faire pendant ces instants bénis de vrai silence ? Surtout ne faire aucun effort, et continuer ce silence par le silence. Sei-shin lui-même tend à disparaître pour laisser place à la félicité du mental pur. C'est cela la conquête du Soi. Au fur et à mesure que ces étapes se prolongent, la connaissance du Soi imprègne le mental qui n'est plus et le cerveau peut faire l'expérience consciente et objective de la soi-conscience dont aucun mot ne peut décrire la force, la beauté et la profondeur.

Il importe seulement que le silence soit naturellement consacré à la divinité, quelle que soit la manière dont chacun puisse se la représenter (la nature pour le panthéiste, Ishvara pour le yogi, Bouddha pour le bouddhiste, etc.), et de ne pas adorer le moyen, la méditation sei-shin, en oubliant le but, le silence du Soi.

7. Lorsque vous parvenez au silence, sans pour cela perdre conscience un seul instant de votre vraie nature, alors vous avez atteint le stade dit de contemplation. L'illumination et l'inspiration viendront alors en leur temps et selon les voies mystérieuses de la divinité.


Quelques effets du sei-shin

Au premier degré, comme cela a été dit, la méditation permet le contrôle des instincts du corps, telle que la possibilité de rester plusieurs jours sans manger (sans ressentir ni faim ni faiblesse excessive). Colère et irritation disparaissent. La peur est supprimée ainsi que la timidité, l'énergie sexuelle est mieux contrôlée.

Au second degré, le sei-shin permet le développement de la vacuité, de sentir l'autre, d'unir le yang et le yin, c'est-à-dire l'âme et la personnalité alignée, celle-ci devenant un instrument parfait au service des plus hautes aspirations spirituelles pour le bien du monde.

Au troisième degré, la méditation produit :

1. Un rapport entre l'âme, le mental et le cerveau.
2. Une puissante vitalisation animique.
3. Une nouvelle orientation de la vie intérieure.
4. Un mental concentré.
5. La capacité de construire des forme-pensées par l'art de la visualisation.
6. Le transfert de l'énergie des centres inférieurs vers les centres supérieurs.
7. La manifestation d'événements objectifs.

8. Par la méditation, l'âme impose ses conceptions au mental limpide et réceptif.

Mais la méditation sei-shin est dangereuse et sans profit s'il n'y a pas :

- Les bases de bonnes qualités.
- Les fondations d'une vie pure.

La méditation est dangereuse si, par nos tendances, elle devient le moyen servant à amener les énergies avec pour but de stimuler les éléments indésirables de la vie de l'homme. Elle est dangereuse si elle est la nourriture du désir de puissance et de croissance personnelles et que les vrais motifs sont faux. Elle est dangereuse si elle devient un moyen de développer l'égoïsme et de nourrir l'orgueil.

Bien entendu, le thème de la méditation ne s'arrête pas à la technique mais inclut le domaine de l'expérience personnelle, un domaine où chacun sera responsable de sa propre progression.

* Les pensées vagabondes sont les pensées qui, construites par votre mental. vous rappellent une chose urgente oubliée, ou un problème en cours. Ce sont des pensées du passé ou du futur comme tout ce qui se rapporte à vos ambitions matérielles ou spirituelles.


Reikikodoryu   Document édité par Pierre Vergeot en 1998.
Maj: 25.02.15